Dents de scie
Je suis allé relire un post d’il y a 2 mois et je pourrais réécrire le même mot pour mot aujourd’hui… (je vais essayer de pas le faire, ça risque d’être saoulant). Coïncidence, comme il y a deux mois, on reçoit des amis ce soir et organiser tout cela me décourage. C’est peut-être simplement hormonal…
Ce matin je suis allé chez le gynéco pour le début du traitement. Dans la salle d’attente, que des femmes enceintes. Je me suis sentie tellement seule : j’en avais déjà les larmes aux yeux. Et puis je me suis reprise, je me suis concentrée sur ce que j’attendais de ce rendez-vous. En savoir plus sur ces 3 jours de retard.
Au début, il a cru que je parlais du tec de juillet : à ma grande surprise, il a évoqué un probable « début de grossesse » (sic). Puis, quand il a saisi qu’il s’agissait du précédent cycle, d’un cycle naturel, il n’a plus rien dit. Du coup, j’ai pas osé lui poser la question fatidique « Ca aurait pu être possible, docteur ?? »,… J’ai peut-être mal interprété son silence ?! C’est bêta, hein : résultat, on saura jamais… [ça me fait penser, un jour moins morose, je vous raconterai ma blague préférée.]
Nous avons embrayé sur le futur TEC. J’ai posé les mêmes questions que d’habitude (« L’autre protocole a-t-il de meilleures chances de réussite ? Est-ce que ça peut être une série défectueuse d’embryons ? ») et j’ai réentendu les mêmes phrases déjà prononcées dix fois. Réfugiée dans un tout petit coin de mon cerveau, je ne percevais que quelques mots, mais il ne m’en fallait pas plus pour suivre le fil, tant je connaissais ce foutu fil : « …loterie naturelle… aspect extérieur des embryons… on ne peut pas aller au-delà… ce que devient l’embryon à J5… on ne peut pas en dire plus… plus on essaie, plus on a de chances… le protocole s’est bien déroulé, pas de raison d’en changer ». Plus tard, sur la table d’examen : « Tout va bien… on peut commencer le traitement. »
J’écoutais d’une oreille et en même temps, je me demandais ce que je foutais là, pourquoi j’avais perdu une heure trente de ma journée, pourquoi j’avais du m’éclipser furtivement du bureau avec ma sacoche de travail vide pour venir réentendre les mêmes éternelles non-conclusions. Apprendre que tout va toujours bien, sauf que le résultat est toujours putain de négatif.
Résultat, quand il m’a demandé si le moral allait bien, les larmes se sont mises à couler toutes seules, sur les côtés, comme dans les mangas [je rappelle que j’étais allongée en position gynécologique].
Les mots ne venaient pas, je n’arrivais pas à expliquer ce que je ressens : j’aurais pu parler des femmes de la salle d’attente, de l’impression de recommencer ce qui n’a déjà pas marché 7 fois, de cette troisième rentrée de septembre avec cet échec qui me colle à la peau, de mon anniversaire de rentrée en pma, de cette fausse joie que j’ai eue… autant de raison d’en baver. Du coup, devant mon silence, il était perplexe : « …dans cette société du tout tout de suite… accepter de ne pas tout comprendre… que ça puisse ne pas marcher… vous devriez voir quelqu’un… impatience… ». Il marchait sur des œufs, il n’y avait rien à dire. Pourtant je l’adore ce médecin… Mais là, il ne pouvait rien pour moi ! Les limites de l’exercice.
Je ne suis pas ressortie grandie de ce rendez-vous : je me sentais fade, conne, aride, inadaptée socialement : on venait de passer un mauvais moment tous les deux et les choses n’avancent pourtant pas…
Résultat : me voilà déprimée pour la journée (le mot est faible, je dois juste ravaler les larmes qui coulent toutes seules et les ramasser discrètement lorsque l’une d’elles m’échappe).