Mon petit fantôme
Au début je ne voyais rien dans la noirceur inquiétante de l’écran de contrôle. Et puis, j’ai vu une petite bulle plus foncée, comme un ovocyte. En zoomant dessus, au milieu de la petite bulle, une petite traînée filandreuse plus claire. Ma petite voie lactée, mon petit fantôme. Et dire qu’un jour, cette petite forme timide va avoir des dents, des cheveux, un corps, des opinions, une chambre, une mobylette, des amis, !!!!!
Si ce soir je ne réalise toujours pas, - nous ne réalisons toujours pas – en tous les cas, nous avons conscience de notre chance. Ce rendez-vous a été « entouré » de 3 événements, trois destins au rendez-vous, qui nous ont encore plus fait mesurer le prix insensé de notre bonheur.
- En entrant dans le cabinet, je tombe sur ma colloque de ponction. Elle me lance un « Ca va ? » appuyé. Je lui réponds un « Ca va », tout aussi appuyé. Je lui demande « Et vous ? », elle me répond « Mmmmm… Ca peut aller. », elle n’en dit pas plus, elle est avec son petit garçon de 4 ans. Pendant les 5 bonnes minutes où on reste ensemble dans le cabinet, elle reste cordiale mais évite savamment mon regard. Je connais trop cette attitude pour l’avoir vécue. En revanche, c’est la première fois que je me retrouve « de l’autre côté ». Ca me fait bizarre, je me sens mal à l’aise.
- A peine notre consultation débutée, le médecin est dérangée par son portable. Une patiente qui énumère des taux de BHCG affolée. Il lui confirme que ce n’est pas bon. Mais il est à nouveau dérangé par son téléphone fixe et lui demande de le rappeler dans quelques minutes. Je suis étonnée : lui toujours si disponible et à l’écoute…
- Au téléphone, c’est un autre médecin avec qui ils échangent sur une patiente. Ils parlent de cellule, de stade, d’anapath’, d’un rendez-vous en urgence, de scanner, d’IRM… puis rapidement de chimio. « Je ne sais pas si vous avez cet élément en tête, mais c’est un peu particulier. Je suis cette personne dans le cadre d’une grossesse. »
Les copinautes restées sur le bord du chemin, je pense très très fort à vous. Je ne vous oublie pas.