La PMA au coin de la rue
Je l'ai retrouvée là où je pensais le moins la trouver. Hier, RDV "allaitement" chez la sage-femme. J'arrive pile à l'heure, ma co-parturiente avec qui je dois suivre la "leçon" est déjà installée dans la minuscule salle d'attente et feuillète un magazine de déco. Au bout de 2 minutes, je lui demande si elle vient pour l'allaitement. "Oui" me répond-t-elle, aimable comme une porte de prison et retournant illico à son magazine. Moi qui fait des efforts pour sympathiser avec les femmes enceintes dont je me sens souvent si éloignée, cela m'apprendra !
Je décide de patienter sagement, en silence, donc. Enfin pas tout à fait en silence car la porte de la salle d'attente est plus que mince et on entend absolument tout ce qui se dit dans salle de consultation. Rapidement, on comprend que la sage-femme est en séance de "conclusion" avec une future accouchée. Elles reviennent sur son parcours. Malgré le livre que j'ai ouvert pour combler l'attente, des bribes de phrases m'empêchent de me concentrer sur ma lecture : "est-ce qu'on va en parler à l'enfant",... rapidement, même sans vouloir écouter ou entendre, les mots "fiv", "pma", "5 ans d'attente" se distinguent. Cette jeune femme évoque sa souffrance d'une voix douce et posée.
A côté de moi, ma co-parturiente s'impatiente. Elle tourne les pages de son Côté Sud avec vigueur, elle souffle comme un brontosaure (d'autres aspects de son physique rappellent l'animal préhistorique - je ne vous dirai pas lesquels), laisse même échapper un léger "Putain". Je fais comme si de rien était, faisant mine d'être plongée pendant tout ce quart d'heure dans la page 62 de mon bouquin.
En réalité je ne perds pas une goutte de la discussion qui se déroule en consultation : cela parle maintenant adoption, mauvaise expérience lors des réunions d'information, de l'idée d'adoption qui revient vers la fin de la grossesse. Je me sens tellement proche d'elle : ses mots pourraient être les miens.
Quand elle sort de la salle, je regarde bien son visage. Peut-être un jour, si je la recroise dans le quartier, aurai-je le courage d'aller lui parler. Le courage que je n'ai pas eu pour dire à ma co-parturiente : "Cette femme a attendu 5 ans, alors toi tu peux bien patienter un quart d'heure...".