« Le deuil de l’enfant biologique »
Cette expression a été utilisée par l’assistante sociale lors de notre premier entretien pour l’adoption. Elle a prononcé ce terme avec le plus grand détachement, comme s’il s’agissait d’une évidence : « De votre côté, avez-vous fait le deuil de l’enfant biologique ? »
Ces mots ont résonné dans ma tête pendant plusieurs jours. Au fond de moi, il y a comme une dissonance, une incohérence entre la signification ultra-violente de ces mots et la façon dont ils ont été prononcés. Au fond de moi, c’était : « Avez-vous pensé à tuer votre enfant ? » sur un air de « Avez-vous rempli le formulaire B12 ? ». C’est une expression toute faite, qu’on emploie sans plus réfléchir à sa signification. Car oui, cette assistante sociale était malgré tout vraiment très humaine et compréhensive.
L’espace d’un instant, je me suis sentie dans un monde de science-fiction comme 1984, Soleil vert ou encore SOS bonheur (super BD d’anticipation).
Dois-je considérer mon corps, mes organes, comme une terre définitivement aride et dessechée ? Si je tue vraiment cet enfant et que la PMA m’en donne finalement un, que se passerait-il dans ma tête, comment l'accepterais-je ?
Non, je crois que je ne vais pas commettre cet infanticide symbolique… mon enfant sera juste mort pour l’administration mais je continuerai à rêver à lui en secret…
Edit du lendemain : Merci pour vos petits mots auxquels j'ai répondu en mp, comme d'habitude... Me voilà rassurée, je ne suis pas seule à ressentir cela. J'ajoute la citation d'Elm Orme qui vient de Désir d'enfant et me conforte sur le fait que cette théorie n'est pas une vérité absolue...
"L'adoption favorise le deuil psychique.
De + en + et de psychologues s'insurgent contre cette pratique. En effet, pour eux, le deuil d'un enfant qui n'a pas existé ne veut rien dire et ils se demandent comment un professionnel, quel qu'il soit, est à même d'évaluer l'avancement de ce processus psychique toujours long, faits d'allers et retours, d'arrêts et de reprises. Certains affirment même que les couples en mal d'enfant ne parviennent à ce deuil qu'après et grâce à une adoption. C'est la prolongaion du désir d'enfant, et en aucun cas son deuil, qui conditionnerait la réussite de l'adoption. Ils donnent l'exemple de couples qui, après une adoption, ont eu un enfant tout à fait normalement, d'autres encore s'egageant dans une PMA après avoir totalement réalisé leur désir d'enfant dans une adoption.
Celle-ci les a amenés à renouveler leur désir d'enfant sous une autre forme. Grâce à l'adoption, un couple devient parents et cela l'incite à l'être encore davantage."