Course à l'agrément, Saison 1, Episode 2
Tout a commencé le matin dans la salle de bain : « Tu mets une chemise, hein ? », « Tu crois que je m’attache les cheveux ? ». Bref, nous avions travaillé jusqu’au dress code pour faire bonne figure. Il faut dire que sur les photos d’identité envoyées, moi je ressemblais à une secrétaire aigrie et coincée (j’avais absolument voulu garder mes lunettes pour faire sérieuse et je sortais de chez le coiffeur) et mon chéri, lui, avait une gouffa digne des Jackson Five : bref, du boulot pour remonter la pente… et avoir l’air d’un couple crédible dans le rôle de parents.
On est donc arrivés 35 minutes en avance, tous stressés dans nos habits du dimanche. Nous avons été reçus par deux assistantes sociales (dont une stagiaire) : des personnes très humaines qui nous ont mis à l’aise d’emblée. Après les formalités d’usage (noms, dates de naissance, etc.), elles nous ont posé des questions pour connaître le contexte dans lequel on évolue : vie professionnelle, sociale, familiale, loisirs,… Puis est enfin venu THE QUESTION : « Expliquez-nous pourquoi vous voulez adopter. »
On a d’abord insisté sur l’importance pour nous de réaliser notre projet familial, puis on a expliqué qu’on avait découvert rapidement une infertilité mixte (sans plus de détail) et qu’on se tournait vers l’adoption pour fonder une famille, car on ne fondait plus trop d’espoir en la pma. On a précisé que si on pouvait avoir un enfant biologique, on adopterait le 2ème (ou le 1er, selon l’ordre dans lequel les choses se passent) et que si on avait pas du tout d’enfant biologique, on en adopterait 2. J’espère que c’est compréhensible, là !
Ils nous ont ensuite posé beaucoup de questions sur notre désir d’enfant. Mon chéri a dit à un moment : « On est pas vraiment en phase là-dessus. » On parlait alors du fait de continuer la pma après une adoption réussie, mais je suis pas sûre que les AS aient suivi. La phrase les a interpelées. Cela a ensuite un peu dérivé vers l’entretien psy. Elles m’ont demandé si on avait une pathologie identifiée (en gros, donnez-nous des détails) et la question qui tue : « Parce que vous, vous n’avez pas totalement fait le deuil de l’enfant biologique ? » J’ai reconnu que je ferai tout ce qui est possible pour le tenter, mais que pour moi, ce n’était pas l’unique voie pour devenir parent. J’ai précisé que l’idée de l’adoption avait mis plus longtemps à germer chez moi que chez mon mari.
A un autre moment de l’échange, mon mari a longuement parlé d’une adoption « difficile » (pour être pudique – le vrai mot serait « tragique ») de son entourage qu’il a vécu de très près était enfant.
Nous avons ensuite abordé l’origine de l’enfant : nous n’avons émis aucun souhait particulier pour le pays d’origine ou un pupille (on peut toujours rêver), même si nous avons cité deux pays dans lesquels les démarches semblaient être bien rodées. Nous avons précisé que nous voulions, pour le premier, un enfant de moins de 3 ans, et sans handicap. Elle nous ont alors demandé si on voulait adopter une fratrie, on a répondu qu’accueillir un seul enfant à la fois nous semblait déjà ambitieux… Elles ont évoqué le cas d’une famille qui devait adopter une petite fille au Vietnam ; en allant chercher l’enfant, ils se sont aperçus qu’il y avait un autre enfant qu’on ne pouvait pas séparé de sa sœur (je vois pas très bien comment une telle découverte est possible, mais passons…), et comme la famille n’avait l’agrément que pour un enfant, ils ont du abandonner le projet… Dur !
Du coup, il faut qu’on réfléchisse à ne pas se fermer des portes, comme pour les deux pays cités : je ne sais pas s’il est souhaitable qu’ils apparaissent dans le rapport…
L’entretien s’est achevé sur la prise d’un nouveau rendez-vous dans 10 jours, chez nous.
Après ça, on était épuisés psychologiquement : on s’est couchés à 22 heures ce soir-là et hier.
Voilà, vous savez tout… J’espère qu’on a pas été trop nuls, dites-moi honnêtement ce que vous en pensez les filles… c’est important pour préparer le deuxième rendez-vous. J’espère que mon mari ne s’est pas trop lâché… Il a aussi parlé de « difficultés familiales » de mon côté… Là, si j’avais eu une massue comme dans les cartoons, je l’aurais bien assommé sur place. Je suis peut-être un peu grave avec tout ça,… mais j’ai tellement peur qu’on ne mette pas toutes les chances de notre côté.