Psychologie (de comptoir) magazine
Tranquillement installée dans mon lit, j’ouvre le Psychologie magazine qu’une amie m’a prêté. Je précise ce détail, car je ne l’aurais jamais acheté seule, et pour cause : en couverture, notre Laurence Ferrari nationale, oui, celle-là même qui investit les salles d’attentes de médecins et les salons de coiffure depuis presque 2 ans en étalant sur les couvertures des magazines people sa grossesse épanouie puis sa pimpante maternité.
Donc, je m’apprête à me plonger dans l’article phare du magazine sur la confiance, lorsque je tombe sur un dialogue entre une jeune femme et un psy – qui se voient pour la première fois - dont le titre l’interpelle : « J’ai du mal à accepter ma stérilité. »
La jeune femme, infertile inexpliquée, raconte qu’elle est rapidement entrée dans un parcours pma de 5 ans, sans résultat, après quoi elle a tout arrêté, puis, bébé couette s’est pointé au bout de 2 ans mais malheureusement grossesse non évolutive.
Le psy en déduit immédiatement que, si bébé couette il y a eu, le blocage est psy et que c’est à tous les coups la pma qui a créé le blocage ! « Votre histoire est exemplaire et peut servir aux autres. A les mettre en garde avant de démarrer des techniques médicales invasives, surtout quand il n’y a pas de cause organique identifiée. » Tout cela est bien simpliste : pas de cause expliquée = pas de cause ? N’est-il pas au courant que la pma n’est qu’une science balbutiante, qu’un pourcentage non négligeable « d’inexpliqués » ne parviendront jamais à procréer ? Pour lui, ce que la médecine ne trouve pas n’existe pas ? Trouve-t-il que cette jeune femme est « normalement fertile » alors qu’après deux ans sans le traitement qu’il considère comme néfaste, elle n’a pu obtenir qu’une grossesse non évolutive ?
Notre ami psy poursuit ensuite sur le chemin de la culpabilisation en précisant : « Sans compter que ce n’est pas sans danger pour le couple. » Est-ce la pma qui est un danger pour le couple ou la stérilité en elle-même ? La souffrance générée par l’absence de l’enfant, le rejet de ce corps « anormal » qui n’arrive pas à accomplir ce projet qui nous est si cher, la jalousie et le sentiment d’exclusion envers les autres… tout cela n’est rien à côté des piqûres à heure fixe, des branlettes matinales, des humeurs de chienne provoquée par les hormones, des vacances décalées, des rapports sexuels programmés… La vraie souffrance de l’infertilité, elle est dans la tête...
Pas impressionnée, notre pmette aguerrie poursuit l’entretien avec monsieur « Je sais tout » qui rebondit sur l’une de ses phrases : « Il y a quand même quelque chose qui me frappe. Vous pensiez : Mon mari est l’homme de ma vie donc il doit me faire un enfant. Ce n’est pas une proposition évidente… (…) Je ne trouve pas que c’est anormal. Mais quand les couples tiennent à leur couple ils hésitent à avoir un enfant. Parce qu’il peut être considéré comme un problème pour le couple. Or, chez vous, c’est complètement lié. Pourtant, l’enfant, c’est une histoire familiale, pas une histoire de couple. ».
Alors voilà que notre pmette tiendrait trop à son chéri, ou plutôt pas assez, ou en tous cas pas comme il faut… Bref, elle ne fait rien comme il faut. Pourtant, je trouve qu’elle a l’air de savoir ce qu’elle veut : elle est en couple depuis 10 ans avec un homme qui a un enfant. Ils ont survécu à une immense blessure durant 7 ans… N’ont-ils pas eu le temps de se poser la question, de faire la part des choses entre couple et famille ? Et quand je dis « Ils », je suis gentille, car ce psy ne parle jamais de l’homme. Bizarre, il a pourtant fait médecine et ne sait pas que depuis quelques temps – un euphémisme – on ignore pas que l’homme peut aussi être en cause dans l’infertilité, ah ah ah… Ce n’est pas vous qui me direz le contraire, chères lectrices ? Ici, visiblement, ce n’est pas du tout envisagé par le psy… L’infertile, c’est forcément la femme, c’est bien connu…
Pour conclure, voilà une femme qui a le courage d’affronter de vraies questions, qui vient se mettre à nu devant un psy pour « accepter sa stérilité »… Je pense que quand on en est là, on a déjà fait du chemin. Et voilà qu’au lieu de l’aider à s’accommoder de cette souffrance, il lui explique qu’en ayant recours à la pma, elle a anéantit ses chances d’avoir un enfant… Et puis, de toutes les façons, le voulait-elle vraiment cet enfant qui allait ruiner son couple parfait ?
Bref, si notre congénère arrive à se reconstruire avec ces pistes de réflexions, je lui tire mon chapeau.
Je sais que je ne suis pas très objective et que dès que je vois les mots « psy » et « pma » l’un à côté de l’autre, je suis sur mes gardes… mais là, je trouve que c’est vraiment n’importe quoi : de la psychanalyse de comptoir ! La « thérapie » n’est-elle pas censée soigner, soulager ? Je sais bien qu’il faut affronter ses démons parfois pour avancer, et cette jeune femme semble prête à le faire… mais ne créé-t-on pas là des démons qui n’existent pas ?